Delhommeau : quatre sociétés, un tandem familial

Pour la famille Delhommeau qui vient de fêter ses quarante ans de savoir-faire horticole en Loire-Atlantique, le passage de relais se met en place depuis environ six ans. Partis de « zéro » en 1971, Marcel Delhommeau a pris sa retraite en 2008 ; son épouse Simone travaille encore dans l'entreprise. Leurs enfants, Michaël et Sonia, prennent peu à peu la relève du groupe Delhommeau qui comprend quatre entités sur deux communes :

– L'EARL Delhommeau Saint-Julien, à Saint-Julien-de-Concelles, pour les productions dites « standard ». Michaël Delhommeau en est le gérant depuis octobre 2008.

– L'EARL Delhommeau La Planche, à La Planche, est dédiée aux productions « complémentaires ». Elle est dirigée par Michaël depuis février 2005.

– DM Collection, à Saint-Julien-de-Concelles, spécialisée dans le commerce de gros aux jardineries. Michaël en a pris la cogérance en octobre 2008 avec sa soeur, Sonia Bessonnet. Cette structure avait été créée par leur père en 2000 avec Jean-Louis Ménard pour la production de plantes de collection en gros.

– La SARL Fuchsia Delhommeau, à La Planche, pour la vente aux particuliers (fuchsias, plantes à massif et de collection, chrysanthèmes, plants de légumes). Michaël Delhommeau en est également le gérant depuis octobre 2008. Sa mère, Simone Delhommeau, salariée, s'occupe de la serre de vente, de la vente par correspondance (VPC) et d'une dizaine de fêtes des plantes et expositions tous publics, auxquelles l'entreprise participe.

À l'un la gérance, à l'autre la commercialisation

Pour Michaël, le « grand saut » a eu lieu en 2005-2006. « Je m'étais préparé à m'installer en reprenant la gérance de Delhommeau La Planche. Mais dans le même temps, Jean-Louis Ménard nous a appris qu'il vendait son entreprise de production et sa part dans DM Collection. Il a fallu se décider en peu de temps. Racheter et prendre la gérance d'un deuxième site, ce n'était pas prévu dans mon plan d'installation... Nous avons été aidés par le cabinet Filière Verte. À cette période et jusqu'en 2008, je me suis investi sur les sites de La Planche, et mon père sur ceux de Saint-Julien. Cette étape du rachat de DM Collection a été d'autant plus importante que nous avons dû réaliser de nombreux investissements techniques sur le site de Saint-Julien. » Michaël est basé principalement à La Planche et Sonia à Saint-Julien. Si Michaël a pris la gérance des quatre sites, dont une cogérance avec sa soeur Sonia, celle-ci affirme sans hésitation : « Ma partie, c'est le commercial. J'ai toujours aimé ça. Je ne souhaite pas partager la gérance des quatre entreprises. Il faudrait que j'y consacre beaucoup de temps, et cela se ferait au détriment de mon métier ! »

Gérant, Michaël est donc le véritable chef d'orchestre, celui qui donne les grandes directives de production. Il a la charge de l'ensemble des questions administratives, de la communication, de la maintenance informatique et de la gestion de la flotte (quatre camions)... Pour mener à bien toutes ces tâches, le jeune chef d'entreprise procède par délégation, notamment pour la mise en route des chantiers, la négociation des achats avec les fournisseurs, les mises en culture, les quantités à produire... Il s'appuie sur Jérôme Grimault, responsable des productions à Saint-Julien, et sur Jean-François Gallée, responsable des productions à La Planche. Sonia est en quelque sorte son chef d'orchestre adjoint.

Elle a la charge de la relation clients, des litiges, des négociations, des relations avec les transporteurs, des plannings du personnel... Elle est assistée d'Adeline Logeais (également responsable logistique) et Christèle Pénisson. Travaillent aussi à ses côtés Brice Legal, responsable d'expédition et chauffeur poids lourd, Philippe Bouchereau, chauffeur poids lourd (rejoint par Michaël Delhommeau en pleine saison) et Blandine Guinaudeau, secrétaire-comptable des quatre entités.

Sonia mène les négociations avec les centrales d'achat avec son frère. « Depuis deux saisons, nous avons totalement revu notre façon de travailler, en particulier nos règles commerciales, explique le tandem. Nous bousculons les habitudes... pour mieux servir nos clients. C'est une entreprise délicate, nous avons perdu quelques clients dans l'aventure, mais nous avons édicté des consignes claires, amélioré l'organisation du travail... Cette remise à plat nous permet de réaliser des économies sur différents postes et surtout d'offrir un meilleur service. Notre principal regret, c'est la tendance actuelle des acheteurs à négliger le végétal. La demande porte essentiellement sur des produits standard et des prix bas. Il nous est de plus en plus difficile de valoriser les nouveautés végétales, comme notre dernière création 2011, le fuchsia 'Catherine Deneuve', les plantes de collection et les innovations marketing. »

Deux années de formation continue

Pour se forger à son métier de manager, Michaël a appris sur le terrain mais pas seulement. « J'ai participé à un stage mis en place par la chambre d'agriculture pour l'obtention de la dotation jeunes agriculteurs (DJA) et de prêts bonifiés. Par ailleurs, durant deux années à raison d'un jour tous les six mois, j'ai suivi une formation au management avec le centre de gestion. J'ai aussi été parrainé pour entrer au Centre des jeunes dirigeants (CJD). J'y ai été formé à la gestion du temps, à l'écoute active, au mind mapping, qui facilite l'organisation des idées par la visualisation des informations en cartes ou maps, à l'ennéagramme (*) et à la logique financière... Cela prend un peu de temps, mais plus on donne, plus on reçoit. Au CJD, j'ai trouvé des valeurs humaines et des conseils bienveillants, qui m'ont permis de développer une meilleure écoute. C'est important, notamment pour faire face au stress des équipes en période de surcroît de travail. Le rachat de DM Collection, quasiment en même temps que mon installation, nous a projetés vers un endettement d'une autre envergure... Avec le Crédit Agricole, et surtout avec le centre de gestion, qui connaissait l'historique de notre entreprise, nous avons pu bénéficier de services en matière juridique et fiscale. »

Fort de ces enseignements, Michaël conclut : « Si tous ces aspects juridiques, financiers, de formation... sont importants, il ne faut pas oublier la dimension humaine. Je conseillerais à un jeune souhaitant s'installer de bien clarifier sa situation. Il faut une vraie concertation entre cédant et repreneur, plus encore dans le cas d'une reprise familiale. Il ne doit pas y avoir de doublon au niveau du management afin que le personnel, notamment, sache à qui s'adresser. Il est important de bien définir les rôles. Le repreneur ne peut rien décider s'il n'a pas complètement les rênes. »

Odile Maillard

(*) Grille d'analyse des comportements humains utilisée pour se connaître soi-même, mais également pour revoir ses relations interpersonnelles.